Langage du mythe et langage de l'histoire : quelles différences ?

 

 

Vous trouverez ici un tableau qui propose quelques critères simples pour mieux comprendre les différences entre le langage du mythe et le langage de l'histoire : style langagier, type de vision globale, rapports entre des faits et un système de valeurs, acteurs (auteurs de l'action), utilisation des nombres, temporalité, points de vue, évolution du récit dans le temps, iconographie et séquences textuelles dominantes.

 

 

Par C. R.

Publié le 23/03/2022

Dernière modification le 01/09/2025

Le monument à Vercingétorix sur la place de Jaude à Clermont-Ferrand : une grandiose statue équestre du sculpteur Auguste Bartholdi et un exemple de langage du mythe puisqu'elle a été inspirée par le roman national promu par Napoléon III pour valoriser sa propre histoire personnelle et familiale (sans le moindre rapport objectif puisque la France n'a commencé à exister qu'un millénaire après Vercingétorix et que la famille Bonaparte était étrangère à l'ethnie celte, à sa langue et à sa culture, tout comme un précédent empereur, Charlemagne, qui appartenait au monde germanique mais qui a été intégré malgré tout  dans le roman national français. © 2014 C. Rubin. Tous droits réservés.

 

 

Qu'est-ce qu'un mythe ?

 

Avant de proposer un tableau récapitulant les différences essentielles entre le langage du mythe et le langage de l'histoire, il convient de rappeler ce qu'est un mythe. Philippe Sellier, professeur émérite à la Sorbonne et critique littéraire, a bien résumé ce qu'était un mythe (notamment dans un article intitulé « Qu'est-ce qu'un mythe littéraire ? » paru dans le n° 55 de la revue Littérature en 1984) en reprenant quelques-unes des caractéristiques mises en évidence par l'anthropologue Claude Lévi-Strauss :

  • C’est un « récit fondateur ». « En rappelant le temps fabuleux des commencements, il explique comment s’est fondé le groupe, le sens de tel rite ou de tel interdit, l’origine de la condition présente des hommes. Placé hors du temps ordinaire, le mythe se distingue de la saga, où se décèle un ancrage historique ».
  • C’est un récit « anonyme et collectif, élaboré au fil des générations ». Ainsi, « le mythe atteint une concision et une force qui, aux yeux de certains mythologues, le rend bien supérieur à ces agencements individuels qu’on appelle littérature ».
  • C'est un récit qui se donne comme véridique : « le mythe est tenu pour vrai : histoire sacrée, d’une efficacité magique, récitée dans des circonstances précises, il est nettement distinct, pour ses fidèles eux-mêmes, de tous les récits de fiction (contes, fables, histoires d’animaux...) ».
  • C'est un récit qui relève du merveilleux : « les personnages principaux des mythes (dieux, héros...) agissent en vertu de mobiles largement étrangers au vraisemblable, à la psychologie "raisonnable". Leur logique est celle de l’imaginaire. Psychologisation et rationalisation marquent le passage du mythe au roman (Dumézil) ».
  • C'est un récit axiologique : « le moindre détail entre dans des systèmes d’oppositions signifiantes » (« pureté » et « force des oppositions structurales » mises en évidence par Lévi-Strauss).

 

 

Comparaison de quelques caractéristiques du langage du mythe et du langage de l'histoire

Style langagier

 

Langage du mythe : épique et héroïque, laissant une large place à l'irrationnel ou à une croyance (les faits sont présentés comme magiques, émanant d'une volonté surnaturelle, par exemple celle de Dieu, ou du destin).

 

Langage de l'histoire : factuel, rationnel (les faits sont expliqués dans leur logique, dans leur enchaînement, en partant de causes naturelles et humaines, avec des aspects en partie imprévisibles et incontrôlés).

 

 

Type de vision globale

 

Langage du mythe : un seul mouvement, qui réussit (pour fonder un ordre nouveau) ou qui échoue.

 

Langage de l'histoire : plusieurs mouvements (des réussites et des échecs, des phases diverses, voire opposées les unes aux autres).

 

 

Axiologie (rapports entre des faits et un système de valeurs)

 

Langage du mythe : les faits apparaissent sans nuance, donc soit comme très positifs, soit comme très négatifs par rapport à des valeurs précises (liées à une nation, à une religion ou à un groupe social idéalisé) dans une logique binaire (bien/mal, réussite/échec...).

 

Langage de l'histoire : les faits, complexes, ne se sont pas forcément rapportés à des valeurs et sont difficiles à interpréter (cela demande beaucoup de recherches, d'analyses et de démarches interprétatives).

 

 

Acteurs (auteurs de l'action)

 

Langage du mythe : une entité abstraite (par exemple « le Peuple ») ou un personnage emblématique (le héros) qui fait l'objet d'un éloge voire d'une forme d'hagiographie.

 

Langage de l'histoire : des groupes dont les caractéristiques sociales sont complexes (parfois contradictoires) et détaillées (milieu socio-professionnel, localisation géographique précise, âge ou positionnement politique par exemple).

 

 

Utilisation des nombres

 

Langage du mythe : nombres prenant une dimension symbolique immuable.

 

Langage de l'histoire : nombres donnés avec le degré de précision pertinent (degré de précision plus ou moins grand selon les destinataires) et présentés avec leur incertitude (sous forme de fourchette, souvent).

 

 

Temporalité

 

Langage du mythe : insistance sur des moments symboliques, censés tout résumer en un seul événement.

 

Langage de l'histoire : déroulement de nombreux faits qui ne donnent pas tous lieu à la même conclusion.

 

 

Points de vue

 

Langage du mythe : un seul point de vue (ou deux nettement opposés).

 

Langage de l'histoire : points de vue multiples, avec toute une gamme de variations et d'oppositions sur des aspects divers.

 

 

Évolution du récit dans le temps

 

Langage du mythe : figement dans un état définitif vu comme intangible.

 

Langage de l'histoire : évolution constante vers de nouvelles connaissances grâce à de nouvelles découvertes (historiques ou archéologiques) ou à de nouvelles interprétations (diverses et débattues).

 

 

Représentations visuelles

 

Langage du mythe : iconographie simplifiée, grandiose et pittoresque.

 

Langage de l'histoire : représentations complexes et porteuses d'informations parfois inattendues voire contradictoires.

 

 

Séquences textuelles dominantes

 

Langage du mythe : narration et description.

 

Langage de l'histoire : narration, description, explication et argumentation.

 

 

 

Pour aller plus loin : comprendre la présence des mythes dans le monde moderne avec Mircea Eliade

 

Voici quatre ouvrages importants de Mircea Eliade, un penseur incontournable sur ce sujet :

 

Le Sacré et le Profane*

 

Le Mythe de l'éternel retour

 

Mythes, Rêves et Mystères

 

Aspects du mythe

 

 

 

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