Par C. R.
Publié le 22/04/2021
Dernière modification le 30/10/2024
Photographie d'illustration libre de droit. Source : Pixabay. Auteur : SnockSnap.
Faire de la recherche n’est pas la même chose que faire une recherche documentaire. Cette dernière n’est qu’une étape préalable – certes fondamentale – à une recherche proprement dite. Dans ce
cas il ne s’agit en aucun cas de présenter une synthèse des travaux existants en les appliquant à une question précise, mais d’analyser soi-même un corpus avec l’aide d’outils : empruntés à
d’autres chercheurs, modifiés ou créés de toute pièce par rapport à un projet précis. Cela, afin d’apporter des éléments de réponse scientifique à une question qui restait au moins partiellement
non élucidée.
Ce document a pour but de vous expliquer :
- quels sont, sommairement, les grands principes (et leurs origines, dans l’histoire des idées) de la recherche scientifique, qui sont à la base des
exigences universitaires (par exemple la démarche OHERIC inspirée par les travaux de Claude Bernard) ;
- quelles sont les grandes étapes d’une recherche et de la rédaction d’un mémoire (de master par exemple : M1 ou M2), avec des conseils de méthode, voire
d’organisation.
Ces conseils ne remplacent ni les instructions spécifiques données par chaque université (qui n’expliquent pas toujours assez les principes et la méthode préconisée), ni les ouvrages plus
spécialisés sur la recherche dans un domaine particulier (qui apportent des réponses à beaucoup de questions précises, mais qui ne sont pas forcément faciles à manier pour bien comprendre les
objectifs et la méthode au départ). Ces deux types de sources sont évidemment indispensables en début et en fin de parcours. La présente explication, plus généraliste, se veut
aussi plus pédagogique. C’est pourquoi elle prend la forme d’un document condensé que vous pourrez relire souvent, en cas de doute, à chaque étape de votre travail.
Un discours scientifique se définit par les caractéristiques suivantes.
Absence d’a priori dogmatique ou idéologique (c’est le principe du doute méthodique de René Descartes exposé dans
son Discours de la Méthode en 1637).
Esprit critique face aux théories existantes ainsi qu’à celles qu’on propose soi-même.
Raisonnements déductifs et inductifs, formalisés déjà par Aristote (IIIè siècle avant JC), dans Organon (« outils de la pensée »)
-
La déduction est le type de raisonnement qui est à l’œuvre dans
le syllogisme (à ne pas confondre avec le paralogisme qui n’est qu’un syllogisme faussé), lequel repose sur deux prémisses (si tout A est B et si tout B est C) pour établir une conclusion
(alors tout A est C). Exemple : « Tous les hommes sont mortel ; or Socrate est un homme ; donc Socrate est mortel ». Mais attention : les prémisses ne sont
souvent que des hypothèses (des vues de l'esprit non encore vérifiées) et doivent être considérées comme telles : comme des données provisoires qu'il faudra vérifier ou au moins indiquer
clairement comme hypothétiques).
- L'induction consiste au contraire à établir une loi générale à partir de cas particuliers ; cela permet de trouver ce qui est commun à plusieurs
éléments : la prise en compte des points communs et des différences rend possible la classification en genres, ainsi que la définition des concepts.
Appui sur des observations (tangibles et faisant éventuellement l’objet de mesures) et sur des expérimentations (car les observations ne peuvent
pas forcément être assez complètes et objectives), avec un protocole rigoureux, par exemple la démarche expérimentale hypothético-déductive inspirée notamment de la
« Médecine expérimentale » de Claude Bernard, médecin français du XIXe siècle, et souvent résumée par le sigle OHERIC :
-
Observation
-
Hypothèse
-
Expérience
-
Résultat
-
Interprétation
-
Conclusion
Mais il faut aussi laisser une place aux hasards, aux tentatives ne menant à rien, à l’intuition. Des découvertes très importantes – la pénicilline, les rayons X... – ont été faites par accident.
C'est ce qu'on appelle la sérendipité.
Dès le XIVe s. Guillaume d’Ockham a défendu un principe fondamental : entre deux théories expliquant un phénomène donné, on choisit la plus
économique. C’est le principe du rasoir de Guillaume d’Ockham, : comme le ferait un rasoir coupant au plus près tout ce qui dépasse, il s'agit d'éliminer tout
ce qui n'est pas indispensable au raisonnement, à l'image d'une démonstration mathématique.
René Descartes propose quatre règles fondamentales dans le Discours de la méthode (1637) :
- Règle de l’analyse : découper l’objet analysé en « parcelles », autrement dit, sérier les difficultés et planifier le
travail en plusieurs étapes pour davantage de rigueur.
- Règle de l'évidence : ne retenir que les faits « clairs et distincts », autrement dit, se limiter aux données incontestables, bien
visibles, ne subissant pas l’influence ou l’interférence d’autres faits (par exemple, il ne faut pas confondre une corrélation avec une causalité, ce qui doit donner lieu à un certain nombre
d’observations et d’expériences complémentaires, afin de vérifier la nature du processus avant de proposer une interprétation) : ces observations et ces expérimentations doivent pouvoir
être reproductibles.
- Règle de la synthèse : regrouper l’ensemble des données analysées en une explication globale, autrement dit une théorie.
- Règle des dénombrements : vérifier inlassablement toutes les mesures, les observations et les raisonnement.
Le philosophe Karl Popper a expliqué que, contrairement à un dogme religieux, par exemple, une proposition scientifique doit pouvoir être réfutable.
Cela implique bien sûr que les démarches et les résultats puissent être compréhensibles pour pouvoir en vérifier la reproductibilité : il faut donc les communiquer
selon une démonstration claire et structurée, en donnant bien tous les éléments qui seraient nécessaires à une contre-argumentation.
Cette vision doit être pertinente par rapport à des débats en cours ou stimulante par rapport à des conséquences potentielles.
Ce problème doit porter sur la description ou sur l'analyse du fonctionnement d’un objet. L'objectif est de pouvoir compléter ou renouveler les connaissances dans une discipline, en cherchant des
informations nouvelles ou en obtenant des résultats expérimentaux.
Il s'agit de prendre connaissance des ouvrages didactiques et de recherche, des articles, des mémoires et des thèses proches du sujet choisi, avec deux buts :
- ne pas refaire ce qui a déjà été fait ;
- présenté dans le développement du mémoire une revue de la littérature spécialisée.
Cette recherche bibliographique préalable doit être méthodique.
-
Identifier les connaissances déjà acquises, les théories, les outils disponibles (afin de ne pas refaire ce qui a déjà été fait, donc, et de montrer qu’on connaît assez le
domaine dans lequel on veut faire avancer les connaissances) grâce à des ouvrages didactiques (présentant les connaissances disponibles dans une spécialité donnée).
-
Parcourir (ne lire que les passages indispensables) de nombreux comptes-rendus de recherches (mémoires, thèses, articles, actes de colloques...) en gardant immédiatement
la trace de tout ce qui a été lu : noter, dans des fiches analytiques ou synthétiques (une fiche par thème et/ou par source) les idées qui pourront être utilisées avec leur référence
très exacte : l’URL ou la référence et la page où apparaît chacune des idées – pour pouvoir la retrouver rapidement (et bien sûr pour que le lecteur puisse vérifier ou
retrouver la source afin de s’informer, contester, prolonger...).
-
Vérifier le sérieux des sources : la reconnaissance de l’auteur ou de l’équipe de recherche (est-il ou est-elle connu(e) ? ses travaux sont-ils souvent
cités ?)
-
Trier l’information : ne garder que ce qui est pertinent par rapport à sa problématique.
-
Définir précisément les termes de base et les outils provisoires (concepts et méthodes) dont on aura besoin, à l’aide des fiches établies lors des
lectures, pour le début du développement :
-
-
en les situant : dans l’histoire de leur champ disciplinaire (première utilisation par un chercheur, re-définitions par d’autres chercheurs) et dans un paradigme
(comparé éventuellement avec des paradigmes voisins) ;
-
en les critiquant : en identifiant les limitations et les problèmes inhérents à ces concepts et à ces méthodes (expliquer en quoi la façon d’aborder le
problème jusque là freine l’expansion des connaissances, la compréhension des phénomènes) : erreurs théoriques, inadéquations et limites pratiques...
-
en indiquant la limite entre ce qu’on sait déjà et ce qui reste à établir et en expliquant pourquoi on n’a pas été plus loin jusque là ;
-
en proposant des aménagements (des hybridations conceptuelles ou d’autres méthodes), dont les raisons théoriques et pratiques seront expliquées.
L’objet d’étude, le domaine, la discipline, la motivation intrinsèque :
- de quoi s’agit-il ? (qui ? quoi ? où ? quand ? pourquoi ? comment ? etc.)
- sur quoi va-t-on travailler et sur quoi ne va pas t-on pas travailler ?
- dans quelle(s) discipline(s) se positionne-t-on ?
- quel est l’intérêt d’approfondir ce sujet ? (actualité, pertinence, lacune dans la recherche ou caractère insuffisant des résultats ou inopérant des méthodes)
Une problématique : une question explicite, précise et circonscrite (pas trop étendue) ne pouvant donner lieu
à aucune réponse simple mais imposant une prise en compte de données complexes et une théorisation plus élaborée ou différente ;
Une première hypothèse provisoire ;
Un corpus qui doit être :
-
pertinent (par rapport au sujet choisi),
-
cohérent,
-
adapté à l’exploitation qu’on veut en faire : vaste (mais le moins possible afin que le travail
reste faisable tout en étant suffisamment représentatif pour rendre compte, statistiquement par exemple, d’un phénomène propre à un ensemble de faits) ou plus ciblé pour étudier quelques
faits limites donnant la clé d’un fonctionnement de l’ensemble ;
Un objectif : obtenir des résultats sous un angle :
- quantitatif (par exemple des mesures),
- ou qualitatif (l’identification de phénomènes intéressants, parce que problématiques, révélateurs d’un fonctionnement inattendu ou imposant une nouvelle vision d’ensemble, suit à
l’interprétation méthodique des observations et/ou des expérimentations).
Il s'agit de faire dialoguer observation (d’une réalité empirique) et théorie. Les phénomènes à prendre en compte sont ceux qui sont récurrents et ceux qui sont uniques mais très
significatifs.
L'esprit doit être celui d'une enquête policière resserrant les mailles du filet, en cherchant à la fois une vérité et des preuves de cette vérité.
Page de garde.
Sommaire.
Introduction générale (deux pages au minimum) pour présenter :
- l’objet d’étude, le domaine, la discipline, la motivation (voir plus haut),
- la problématique (idem),
- le corpus, justifié,
- le plan, justifié également, tout en articulant les étapes de la démonstration (rendant compte à la fois du processus de recherche et du raisonnement).
Développement = présentation des analyses et des interprétations en plusieurs étapes qui auront pour fonction de :
- définir les termes de base (voir plus haut),
- faire une revue de littérature spécialisée (idem),
- établir, justifier, expliquer la méthode d’analyse retenue (idem) et faire des hypothèses de travail,
- faire une synthèse des résultats d’analyses (c’est le cœur du travail présenté) en plusieurs étapes (parties), comportant chacune :
-
- une introduction qui précise l’objet de la partie = une méthodologie particulière, son utilité par rapport à la problématique, les contraintes à surmonter et le plan de cette partie
(autrement dit les étapes de la méthode retenue),
- un raisonnement rendant compte de la démarche de recherche suivie,
- une analyse et une interprétation des résultats obtenus,
- une conclusion qui apporte des éléments de réponse à la problématique et indique les insuffisances qui nécessitent d’aller plus loin (= transition).
Conclusion (deux pages au minimum) :
- résumé des principales étapes avec rappel des points-clés,
- réponse (circonstanciée, précise, nuancée) à la problématique en fonction de l’interprétation des résultats,
- intérêt de ces résultats, enjeux et conséquences,
- limites.
Bibliographie :
- soit elle renvoie uniquement aux publications citées ; le titre sera « Références bibliographiques » ;
- soit elle renvoie plus généralement à toutes les publications consultées parmi celles qui sont en rapport avec le sujet ; le titre sera alors : « Bibliographie
sélective ».
Remerciements (à la fin ou au début du mémoire).
Annexes (ce qui n’est pas indispensable à la démonstration mais que peut vouloir consulter le lecteur).
Cela correspond à trois fonctions :
- rendre compte d’un processus de recherche,
- donner des informations sur les résultats,
- justifier de façon argumentée l’argumentation qui en est proposée.
Pour cela, il faut soigner les points suivants.
Le contenu :
- chaque mot doit être choisi (et doit pouvoir être défini) avec précision
- tout doit être justifié objectivement (pas d’affirmation sans preuve),
- toute illustration doit apparaître avec une légende indiquant la sources et le titre (juste en-dessous) et bien sûr une explication ou une interprétation dans le texte (aucune illustration ne
doit apparaître à titre décoratif bien sûr).
La langue et l’intelligibilité :
- une phrase doit se limiter à une seule idée , être la plus simple possible mais explicitement articulée à la précédente et à la suivante
- chaque étape dans le raisonnement doit correspondre à un nouveau paragraphe,
Les renvois dans les notes de bas de page :
-
loc. cit. : pour une référence au même passage exactement
(loc. cit. est
l’abréviation de loco citato qui signifie « à l’endroit cité [juste avant] ») ;
-
ibid. : pour une référence à la même page du même ouvrage (celui qui a
été cité juste avant) (ibid. est l’abréviation de ibidem signifiant « au même endroit [que celui qui précède immédiatement] ») ;
-
ibid., p. x : pour une référence à une autre page du même ouvrage (celui qui a été cité juste
avant) ;
-
auteur, op.cit., p. x : pour une référence à l'ouvrage déjà cité auparavant (mais pas
juste avant) de cet auteur (op. cit. est l’abréviation de : opere citato signifiant « dans l’œuvre citée [précédemment mais pas forcément immédiatement]») ;
-
id., titre, p. x : pour une référence à un autre ouvrage de l’auteur qui vient d’être
cité (id. est l’abréviation de idem qui signifie « le même [auteur que celui qui précède immédiatement] ») ;
-
passim : indique que l’idée se trouve à divers endroits de l’ouvrage mentionné ;
-
cf. (abréviation de confer) : pour comparer avec une autre publication (on utilisera voir s’il
s’agit uniquement de se reporter à un autre passage) ;
-
voir supra : pour renvoyer à une idée exprimée plus haut
dans le texte ;
-
voir infra : pour renvoyer à une idée exprimée plus
loin.
La typographie : les normes de base les plus courantes (toute fantaisie étant proscrite pour assurer le
caractère universel de la lisibilité et l’impression de sérieux qui doit confirmer la rigueur de la méthode) sont les suivantes :
- n° de page en bas à droite,
- police Times 12 (10 pour les notes),
- interligne 1.5,
- texte justifié (aligné à gauche et à droite),
- changement de page pour les changements de parties.
Les citations
- celles qui dépassent trois lignes doivent être placées dans un paragraphe spécifique (décalé d’un centimètre et avec une police plus petite) ;
- les ruptures de citation doivent apparaître sous la forme [...] (les modifications et les précisions nécessaires doivent également être entre crochets) ;
- les citations dans les citations doivent être signalées par un autre type de guillemets : pour la citation qui englobe : guillemets français (« ») pour la citation englobante
et guillemets anglais (" ") pour la citation englobée.
Il n’est pas nécessaire ici d’aller plus loin : les universités indiquent généralement toutes les exigences de présentation et de typographie. D’ailleurs, certaines disciplines en ont de
spécifiques.
Pour créer un sommaire automatique ou une table des matières automatique sous certaines versions de Word :
-
Attribuer un style à chaque niveau de titre (titre 1, titre 2 ou titre 3...)
-
- grâce à la fenêtre des styles
- ou dans Format -> Styles.
-
Définir les caractéristiques de chaque style (police de caractère, taille, gras...)
-
- dans Format -> Style -> Modifier...
-
Insérer le sommaire ou la table des matières là où vous le souhaitez
-
- dans Insertion -> Tables et index -> Table des matières.
Pour fusionner deux lignes dans un sommaire (si par exemple un titre de deux lignes avait été compté pour deux sections différentes), il faut changer de lignes sans changer de
paragraphe (en tapant Maj + Entrée).
Pour d’autres traitements de textes, les procédures seront proches.
Exemple de critères d’évaluation
- Intérêt de la problématique
- Esprit de synthèse et clarté du raisonnement
- Précision des résultats et pertinence de leur interprétation
- Qualité de l’analyse, objectivité et sens critique
- Maîtrise des connaissances exploitées
- Apport de connaissances nouvelles
Pour avoir d'autres éclairages :