Voici quelques points de repères pour s'y retrouver dans l'actualité politique américaine : quelques termes importants, en français et en anglais, et surtout quelques notions qui révèlent les grands principes, les lignes de faille et les équilibres de la plus puissante démocratie du monde.
Vous trouverez ensuite une liste d'ouvrages historiques mais aussi une présentation de films et de romans qu'il faut absolument découvrir pour comprendre la société américaine (ou, plus précisément, états-unienne).
Par C. R.
Publié le 09/11/2022
Dernière modification le 02/10/2024
Le drapeau des États-Unis flottant au-dessus d'une cabane de lifeguard, sur la plage de Miami Beach.
Pouvoir judiciaire :
Cour suprême (9 juges à vie, désignés par les présidents successifs)
Pouvoir exécutif :
Il est marqué par le fédéralisme, autrement dit par un partage des compétences entre deux niveaux :
Président des États-Unis, élu pour 4 ans (renouvelable une fois) au suffrage indirect (par les Grands Électeurs)
Gouverneurs de chaque État, élus en général pour 4 ans (mais pas tous en même temps et cela dépend des États) au suffrage direct
Pouvoir législatif :
Le Congrès (qui siège au Capitole) est composé de deux chambres (basse et haute) :
Chambre des représentants : 435 membres élus pour 2 ans (d’où les midterms) au suffrage direct
Sénat : 100 sénateurs élus pour 6 ans (renouvelables par tiers tous les 2 ans) au suffrage direct
Le partage des pouvoirs : fondement de la démocratie
Montesquieu, dans De l'Esprit des lois, a montré dès le XVIIIe siècle que la démocratie était fondée sur le partage des pouvoirs (le législatif qui vote les lois, l'exécutif qui en organise la mise en place et le judiciaire qui les fait respecter, avec en outre le pouvoir de la presse, qu'on désigne souvent comme le quatrième pouvoir, car les journalistes exercent un contrôle sur les trois autres) et sur l'indépendance de ces pouvoirs les uns par rapport aux autres. C'est pourquoi un régime dictatorial se définit par le fait que l'exécutif contrôle les autres pouvoirs et qu''ils ne sont plus indépendants : par exemple, la nouvelle constitution russe mise en place par Vladimir Poutine prévoit que ce dernier puisse nommer et révoquer les juges tandis que les faits montrent que les prétendants au pouvoir législatif peuvent être mis en danger (Boris Nemtsov) ou écartés (Alexeï Navalny) en cas de désaccord frontal avec l'exécutif, tout comme les journalistes (de la même façon qu'en Arabie saoudite, d'où l'amitié ostentatoire entre Mohammed ben Salmane et Vladimir Poutine).
Chaque mandat ayant un nombre pair d’année, les élections sont regroupées sur un seul jour tous les deux ans : election day.
La vie politique américaine est marquée par le bipartisme, entre :
- les Démocrates (symbolisés aussi par l’Âne),
- les Républicains (symbolisés aussi par l’Éléphant), même si le parti républicain est lui-même partagé aujourd’hui entre les partisans de Donald Trump et ses adversaires plus attachés au respect des institutions.
La plupart des États ont une couleur politique stable et sont donc en partie délaissés par les campagnes électorales (peu d’enjeux car le résultat est connu d’avance) mais les États tangents font l’objet de toutes les attentions ; on les appelle swing states (car ils balancent d’un côté à l’autre selon les élections) ou purple states (États violets) car ils sont un mélange de bleu (symbolisant les Démocrates) et de rouge (symbolisant les Républicains).
Le mouvement du Tea Party (en mémoire d’une révolte des habitants de Boston contre les colons anglais, révolte qui a été un déclencheur de la lutte pour l'indépendance du pays à la fin du XVIIIe siècle) est en dehors de ce cadre et défend la liberté des individus face à l’État fédéral et à ses lois (le Tea Party a défendu en grande partie le programme de Donald Trump).
L’idéologie pro-armes (le fait de défendre la possibilité pour tout citoyen d'acheter des armes de chasse ou de guerre dès le jour de ses dix-huit ans) est plus largement répandue que ce dernier mouvement : elle rappelle l’action des pionniers lors de la Conquête de l’ouest (et l’élection d’un comédien cow-boy de western, Ronald Reagan en 1980, symbolise l’importance de ce mythe constitutif).
La Conquête de l’ouest est également associée d'une autre façon à l’histoire contemporaine puisque John Fitzgerald Kennedy avait présenté en 1960 le projet d'envoyer des Américains marcher sur la Lune comme une façon de dépasser une nouvelle frontière : the last frontier, celle de l’atmosphère terrestre, grâce au programme Apollo XI. Aujourd’hui, en imposant des fusées réutilisables révolutionnaires, Elon Musk se positionne comme celui qui remplace l’État dans ce projet).
Elon Musk, en déménageant son usine Tesla de la Californie au Texas manifeste non seulement un choix fiscal mais aussi une ambivalence entre :
- l’esprit libertaire de la contre-culture des années 1960-70 (qui a été non seulement contestataire mais aussi à l’origine d’une vision du monde transnationale avec des entreprises qui mettent en contact les citoyens du monde entier : Microsoft, Google, Apple, Facebook... pour le meilleur et pour le pire),
- une Amérique plutôt réactionnaire et défiante à l'égard de l'État fédéral.
Il résume donc à lui tout seul (dans ses brusques changements d'avis notamment) la diversité des mentalités aux États-Unis (même s'il est originaire d'Afrique du sud). Il y a en effet des écarts importants de lois et de modes de vie d’un État à l’autre. Elon Musk illustre aussi d'une certaine manière l'esprit d'indépendance et de défiance à l'égard de l'État que cultive le Tea Party depuis des siècles. C'est d'ailleurs un point commun de beaucoup de milliardaires américains et d'entreprises, notamment les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) qui agissent selon leurs propres règles, en se positionnant au-dessus des lois étatiques. Les convocations de Mark Zuckerberg (directeur générale de Facebook) par le sénat américain montrent qu'il y a un bras de fer entre son entreprise et l'État, tout comme quand Apple refuse de donner les codes permettant d'avoir accès au contenu du smartphone d'un terroriste, en considérant que sa politique de confidentialité à l'égard de ses clients prévaut sur les lois fédérales. C'est peut-être cette idée selon laquelle ces entreprises qui veulent changer le monde rendent les États obsolètes qui a poussé Apple à construire son siège dans un bâtiment circulaire dont le diamètre est un peu plus grand que celui du Pentagone. Quant à Elon Musk, il a bouleversé le monde automobile avec sa marque Tesla (la voiture est un élément-clé de l'american way of life), il a défié la NASA en faisant ce qu'elle considérait comme impossible : faire ré-atterrir une fusée SpaceX (et on a vu l'immense importance symbolique de la conquête spatiale aux États-Unis notamment) puis il a montré qu'il avait un rôle dans la guerre en Ukraine en mettant au service des Ukrainiens ses satellites de télécommunication Starlink, puis en les menaçant de les priver de cette aide décisive (alors que, jusque-là, seuls des États pouvaient avoir un impact sur l'issue d'une guerre). C'est d'autant plus frappant que certains présidents ont prétendu faire renoncer l'État fédéral lui-même à ces interventions en dehors du territoire.
La politique étrangère des États-Unis est en effet marquée par une alternance (d’une époque à l’autre mais sans lien avec les partis) entre :
- l’interventionnisme (parfois taxé d’impérialisme) symbolisé par la devise de Ronald Reagan en 1980 : America is back (il évoquait le retour de l’Amérique sur la scène internationale après le retrait du Vietnam sous la pression de la contestation interne et la prise d’otage des employés de l’ambassade d’Iran en 1979) ;
- l’isolationnisme (symbolisée par la devise de Donald Trump : America first), qui fait surtout le jeu des dictateurs puisque, en réalité, l’intérêt des États-Unis a toujours été de participer aux conflits ; en effet, sa puissance stratégique et économique est venue de cette participation aux guerres puisque les États-Unis ont pris la place du Royaume-Uni comme première puissance mondiale en aidant les alliés à gagner la Première Guerre mondiale puis en fournissant massivement de l’alimentation et du matériel à l’Europe dans les années 1920 (même chose à la fin de la Deuxième Guerre mondiale).
Le budget de la défense des États-Unis reste à la hauteur d'une ambition interventionniste à l'échelle mondiale : il est à peu près de 700 milliards de dollars par an, ce qui représente environ 35 % de toutes les dépenses militaires du monde (pour avoir un point de comparaison, la Chine y consacre 230 milliards de dollars ; la Russie, 65 milliards ; la France, 44 milliards d'euros ; l'Allemagne, 27 milliards). Le but n'est d'ailleurs pas forcément de faire la guerre mais de faire de la dissuasion : tout comme on a parlé de pax romana quand l'Empire romain contrôlait tout le pourtour de la Méditerranée, on parle souvent de pax americana du fait de cette puissance militaire hors-normes. Les États-Unis possèdent en effet une dizaine de porte-avions à propulsion nucléaire et, à part la France qui en a un, c'est une exclusivité mondiale : pour l'instant, ni la Chine, ni la Russie n'en possèdent, pour ne citer que cet exemple. Cette domination militaire est l'un des moyens de maintenir les échanges commerciaux qui permettent la domination économique.
Cependant, les États-Unis disposent d'une arme peut-être encore plus redoutable pour assurer leur domination économique : la recherche appliquée en psychologie. Ils font en effet des investissements gigantesques dans la recherche en sciences humaines et en particulier, donc, en psychologie. C'est peu connu mais c'est une arme redoutable pour conquérir économiquement le monde et, tout comme la Suisse ou la Belgique achètent des avions F15, des entreprises européennes achètent les services de l'ingénierie psychologique américaine, qui finira bien par faire parler d'elle en Europe, même si, curieusement, les journalistes ne semblent pas avoir décelé cette arme économique massive, importée discrètement en Europe.
C'est peut-être une particularité des méthodes américaines : utiliser très intelligemment et d'une façon totalement inattendue des ressources humaines apparemment marginales pour faire la différence. Un seul exemple : quand, pendant la Deuxième Guerre mondiale, il a fallu trouver un système de communication impossible à intercepter par l'ennemi, les militaires américains ont fait appel à des linguistes, qui les ont orientés vers les derniers locuteurs d'une langue amérindienne presque disparue. Il n'existait aucune grammaire et aucun dictionnaire des mots de cette langue, encore très peu étudiée. Il a dès lors suffi de faire traduire les messages secrets à l'un de ces Amérindiens pour qu'il communique par radio depuis la terre avec une autre personne du même peuple embarquée sur un bateau, pour qu'il devienne impossible d'intercepter le contenu des informations : aucun militaire allemand ou japonais ne pouvait comprendre les messages, même s'il parvenait à les entendre.
Il faut lire les ouvrages d'un grand spécialiste de l'histoire des États-Unis : André Kaspi. Vous y trouverez des analyses passionnantes sur les thèmes et les grands personnages de cette histoire, importante pour comprendre le monde actuel :
La Révolution américaine 1763-1789,
Les Présidents américains (avec Hélène Harter),
J. F. Kennedy (plusieurs ouvrages),
Le Watergate : la démocratie américaine à l'épreuve,
États-Unis 1968. L'année des contestations,
...
On peut également découvrir la vie quotidienne américaine et certaines problématiques d'une façon plaisante, à travers certains films ou certains romans.
Les comédies de mœurs de l'après-guerre permettent aussi bien de se détendre dans une atmosphère joyeuse que de réfléchir à des problématiques plus subtiles ou tout simplement d'avoir un aperçu humoristique de l'american way of life.
Une des plus drôles de ces comédies est Un million clés en main (titre original : Mr. Blandings Builds His Dream House) de H.C. Potter (avec Cary Grant) : une famille à l'étroit dans son appartement urbain décide de rénover une vieille maison qui les fait rêver mais l'american dream va se transformer en cauchemar hilarant.
Dans un genre très proche, La roulotte du plaisir (titre original : The Long Long Trailer) de Vincente Minnelli met en scène les aventures d'un jeune couple qui fait un road trip à travers les États-Unis en remorquant l'immense caravane que la jeune femme a réussi à faire acheter à son mari après en être tombée amoureuse (de la caravane...) dans une foire.
On peut aussi songer à un agréable conte de noël un peu énigmatique : le film La vie est belle (titre original : It's a Wonderful Life) de Frank Capra, à ne pas confondre avec le film de Roberto Benigni (La vie est belle, dont le titre original italien est La vita è bella), très intéressant également mais pour d'autres raisons. Le film américain évoque la rencontre entre un homme qui veut se suicider et un ange qui tente de lui montrer à quel point sa vie mérite d'être vécue en lui révélant les petits secrets de son entourage.
Des comédies plus récentes centrées sur le thème de la différence permettent de découvrir la vie quotidienne des années 1990 et certains aspects de la culture politique américaine.
Par exemple, Rain Man de Barry Levinson est un film qui montre le périple d'un autiste (Dustin Hoffman) emmené par son jeune frère (Tom Cruise) d'un État à l'autre pour prouver qu'il peut vivre en dehors de son institution. Ce road movie nous donne l'occasion de découvrir la diversité des paysages et des univers aux États-Unis : entre les casinos de Las Vegas et la côte est (quand Rain Man prend une crise parce qu'il ne veut acheter ses slips que « chez K-Sport à Philadelphie »...).
Le film Forrest Gump de Robert Zemmeckis raconte la réussite inattendue d'un simple d'esprit (Tom Hanks) qui réussit – malgré lui – tout ce qu'il entreprend et devient un modèle de success story. Son histoire personnelle s'entrecroise avec les grands événements de l'histoire contemporaine des États-Unis : il serre la main à Kennedy ; quelques années plus tard, Nixon lui recommande un hôtel, où Forrest est découvre – sans comprendre – le scandale du Watergate dans l'immeuble voisin ; il rencontre également Elvis Presley, John Lennon, et un célèbre militant de la contre-culture : Jerry Rubin (co-fondateur du mouvement contestataire et libertaire Yippie – avec un engagement plus marqué que le mouvement hippie ou beatnik –qu'il a théorisé dans son livre Do It).
Des comédies dramatiques interrogent en profondeur les choix d'une époque.
Peu connu, Le Prête-nom (titre original : The Front) de Martin Ritt avec Woody Allen (uniquement acteur dans ce film, pour une fois) évoque la période du maccarthysme, quand la chasse aux sorcières contre les communistes rendait la vie impossible à tous ceux qui étaient soupçonnés de l'être, notamment dans la très sensible industrie du cinéma à Hollywood : pour pouvoir continuer à gagner leur vie, les scénaristes blacklistés, notamment, devaient passer par un prête-nom pour faire accepter leurs scénarios.
L'expression chasse aux sorcières renvoie à un épisode de l'histoire américaine : quand les habitants de la ville de Salem, près de Boston, ont soupçonné de nombreuses femmes d'être sorcières. C'est une peur paranoïaque induite par un puritanisme qui avait conduit toute la population à une folie collective jusqu'à une série d'exécutions sommaires. La dernière partie du roman Moi, Tituba sorcière... de Maryse Condé raconte avec une grande exactitude historique ce sinistre épisode.
Deux films réalisés par Wayne Wang en collaboration avec l'écrivain Paul Auster explorent la vie quotidienne d'un buraliste de Brooklyn : Smoke et Brooklyn Boogie. Ces films hors-normes et attachants (avec Harvey Keitel, William Hurt, Forest Whitaker...) nous plongent dans une réalité humaine forte et sont bouleversants dans la mesure où ils abordent une question cruciale : qu'est-ce que réussir sa vie ? Aux antipodes de la success story et du story telling, ces films nous proposent un autre rêve américain.
D'une certaine façon, le film Shining de Stanley Kubrick aborde aussi certaines questions existentielles liées à l'histoire des États-Unis (la place des Amérindiens et des Noirs, la conquête de l'ouest et de l'espace, la faute, l'héritage, l'éducation...).
Des romans graves ou légers explorent également les problématiques américaines.
Par exemple, América de T.C. Boyle met en scène la fracture sociale dans une lointaine banlieue de Los Angeles, en présentant notamment la situation d'un immigré mexicain.
Cependant, le monument littéraire reste Sur la route (Le rouleau original) de Jack Kerouac qu'il faut lire dans l'édition de 2010 car les versions antérieures de ce roman de 1957 avaient été tellement expurgées et modifiées que le texte avait totalement perdu son âme. Ce roman constitutif de la Beat Generation constitue en effet un des fondements de la contre-culture des années 1960-1970 dans la mesure où il propose un road trip permettant à la fois d'explorer le territoire des États-Unis (dont l'horizon mythique s'avère finalement être... le Mexique) et la liberté individuelle, dans un sens nouveau.
La langue de Jack Kerouac n'était pas l'anglais au départ. Vous découvrirez sa langue natale (ainsi que celle de Jésus de Nazareth, de Cléopâtre, de Charlemagne, d'Henri IV, de Napoléon Bonaparte et de bien d'autres) sur cette page.
Plus léger, et très amusant, un roman de l'universitaire britannique David Lodge, Changement de décor (titre original : Changing Places), révèle les particularités de la côte ouest américaine des années 1970, révolutionnée par la contre-culture, en la comparant avec l'Angleterre traditionnelle. Pour faire cette comparaison, l'universitaire devenu (un grand) romancier imagine un échange de poste temporaire entre un modeste professeur anglais (ressemblant peut-être à l'auteur qui aime l'autodérision) et un très célèbre professeur américain. Le choc est grand pour chacun de ces deux universitaires, l'Anglais découvrant avec stupeur aussi bien la liberté sexuelle californienne qu'un nouveau cadre pédagogique...
Dans une veine assez proche, le romancier américain Armistead Maupin a rassemblé dans Les Chroniques de San Francisco (titre original : Tales of the City) toute une série de petites histoires humoristiques mettant en scène des personnages typiques de cette ville, à partir du moment où une femme qui vient d'arriver dans la ville découvre les étranges habitants de son immeuble. Ces textes avaient paru initialement sous la forme d'un feuilleton dans le journal San Francisco Chronicle.